de Vaccarès

de Vaccarès Cocker Spaniel Anglais

Cocker Spaniel Anglais

Philosophie de l'élevage

De ma production quel est le chien qui m'a le plus satisfaite, celui qui flatte le plus mon orgueil d'éleveur ? Mon meilleur chien est celui qui va naître dans ma prochaine portée. En effet je suis comblée par le caractère de mes chiens: sociabilité, gentillesse, réceptivité, intelligence. Mais en ce qui concerne la morphologie, il y a toujours un point à améliorer. L'orgueil est l'ennemi du mieux. Je reste modeste car, après 40 ans d'élevage, je sais que j'ai encore à apprendre. Se gargariser des succès fantastiques d'un chien, oublier ses défauts et ceux de sa lignée est aller à coups sûrs au devant de grandes désillusions.


Les expositions ne sont pas une finalité pour moi. Elles me permettent seulement de me mettre en compétition, de comparer mes chiens avec ceux des autres. C'est très stimulant. J'aime aller rechercher l'avis d'un juge spécialiste de la race, même si je dois faire plusieurs centaines voire milliers de kilomètres pour cela.
J'ai aussi pendant plusieurs années fait des field-trials avec succès. J'ai obtenu plusieurs titres de champions de travail. J'ai même gagné le fabuleux challenge de la Coupe d'Europe de Travail avec une chienne bleue de mon élevage. Cela m'a tout à fait enchanté. J'ai connu de grandes émotions à conduire mes chiens sur les parcours de chasse.
Mais ce n'est ni à cause des expositions, ni à cause des field-trials que j'ai des cockers. C'est avant tout pour le plaisir d'être avec eux. Ils font partie de ma vie. Ce sont mes compagnons.


Avec le temps les cockers ont évolué.
Si dans l'ensemble les cockers sont devenus plus courts, ils ont trop souvent perdu les angulations. Il est aussi de plus en plus rare de rencontrer une belle tête avec une belle expression. Le manque de stop et les petits yeux sont les défauts qui reviennent le plus souvent. La mode est de faire courir les chiens dans les rings. Quelle erreur pour les bons sujets qui ont gardé une allure typique ! Quelle mascarade géniale pour cacher ce défaut majeur ! En tant que juge j'ai très souvent remarqué qu'après un tour de ring à une allure très rapide où il est impossible de voir quoique ce soit et ayant demandé au présentateur de refaire marcher le chien à une allure normale, il s'avérait que notre "champion de course à pieds" envoyait ses pattes dans n'importe quel sens, ou qu'il "serrait" d'une manière indécente, ou encore que, n'ayant pas d'angulations, il marchait comme un fox-terrier. Le poil s'est très nettement amélioré en qualité. Beaucoup de chiens ont un excellent poil. Malheureusement quelques fanatiques de la tondeuse, ciseaux ou trimming font un massacre et ce de manière définitive car le poil travaillé ainsi est irrécupérable. C'est vraiment dommage. On laisse beaucoup trop de poil laineux dans les franges et sous le ventre. Pourtant il est si facile de peigner régulièrement ces parties pour enlever ce vilain poil et ne conserver que de belles soies. En ce qui concerne la longueur du poil, je pense que nous le laissons trop pousser; cela ne correspond pas à l'idée que j'ai du cocker anglais. Mais avec beaucoup trop de juges il est quasiment impossible de gagner sans ce poil. La balle est dans le camp de Messieurs et Mesdames les juges.


De tous temps, à part quelques cas exceptionnels, les plus grands éleveurs de cockers ont été en Angleterre. Je crois qu'ils ont su reconnaître les qualités des chiens dont ils n'étaient pas propriétaires et qu'ils ont aussi su les utiliser à bon escient.
Si la chienne est le trésor de l'élevage, l'étalon reste à la disposition de tous. Je ne pense pas que quelques éleveurs isolés ont pu avoir une influence sur l'évolution de la race, mais qu'au contraire l'union de la majorité d'entre eux leur a permis d'atteindre le but qu'ensembles ils s'étaient fixés.


J'ai toujours pratiqué le "line breeding". Je n'y ai trouvé que des avantages. Les chiens ont ainsi le même type. Ils sont très homogènes. De temps en temps pour "changer le sang" ou pour aller chercher une qualité à laquelle je tiens particulièrement je fais de l'out-breeding. C'est là qu'il y a le plus de risques . Premierement risque de faire rentrer à son insu une tare d'où l'utilité de faire immédiatement après de l'in-breeding en accouplant le nouveau venu avec son descendant direct (fils ou fille); on saura à peu près sûrement si il y a tare ou non, car en faisant une consanguinité serrée la tare devrait ressortir. Deuxièmement on risque de perdre le type et les efforts d'élevage de plusieurs années; il est préférable de ne pas garder un sujet issu de cette  deuxienne union car il est 3/4 d'une autre lignée et seulement 1/4 de la vôtre.
Il est aussi nécessaire de faire de l'in-breeding pour fixer telle ou telle qualité. Il faut bien sûr avoir la quasi-certitude que cette lignée est exempte de tare. Ensuite on revient au line- breeding.
C'est ainsi, à mon avis, que l'on a les meilleurs sujets. Je n'oublie cependant jamais que le secret de la réussite en élevage est d'accoupler un bon mâle avec une bonne femelle et d'avoir de la chance !


Le cocker anglais a encore de belles années devant lui. Si nous savons garder ses qualités essentielles il a certainement un bel avenir.
C'est vraiment un compagnon idéal pour l'homme du XXIème siècle. C'est le chien de la famille: copain de jeux des enfants, auxiliaire à la chasse de Monsieur, complice de Madame…
Grâce à sa taille, on peut l'emmener partout. C'est un beau chien assez facile à entretenir. Il vit une quinzaine d'années, et les vit bien. Il a une santé de fer. Il sait être calme à l'intérieur, vif à l'extérieur. Il s'adapte à tout.
C'est un polyvalent par excellence.
Le danger, c'est nous les éleveurs. Il faut absolument que le cocker garde cette polyvalence. Si, par malheur, un de nous décidait de le sélectionner uniquement sur une de ses aptitudes, il irait droit à l'échec.
Imaginez une sélection basée uniquement sur l'aptitude aux expositions; très vite nous constaterions une dégénérescence des autres qualités qui font sa richesse. Ce chien serait certainement très beau. Mais devenant une machine à gagner programmée pour le ring, partageant sa vie entre le puppy-pen pour ne pas abîmer le poil et le tapis roulant pour avoir des muscles, ayant un produit dopant avant d'entrer dans le ring pour avoir du punch, ne connaissant plus rien de la vie naturelle, ne vivant plus avec son maître, il deviendrait rapidement stupide. Il ne serait plus le compagnon idéal de l'homme.
Imaginez maintenant un cocker uniquement sélectionné pour les field trials; très vite il deviendrait une bête à concours oubliant même d'être chasseur, préférant faire une belle démonstration de dressage. La non plus il ne serait pas l'auxiliaire privilégié de l'homme. De plus les qualités morphologiques ayant été laissées de côté, très vite il ne ressemblerait plus à un cocker. Il serait un chien, pas plus.
Soyons vigilants, l'avenir du cocker est de rester le compagnon de l'homme. Sa polyvalence permet de satisfaire le plus grand nombre d'entre nous et ceci est sa chance.


Catherine JACQUIER-GRAVELEAU
Elevage "de VACCARES"